Tech anti-sociale vs pro-sociale

une image de moutons qui vous regardent
Photo de Mehdi Genest sur Unsplash

Faut-il interdire tous les réseaux sociaux au moins de X ans, ou certains réseaux sociaux toxiques à tout le monde ?

Vu sur un post LinkedIn de Julien Falgas (également publié sur Mastodon), dans le contexte actuel de vélléités d'interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans.

Ce schéma provient d'un blueprint (que je traduirais par schéma directeur, mais ce n'est peut-être pas la meilleure traduction) de trois organisations que je ne connaissais absolument pas : le Council on Technology and Social Cohesion, le Kroc Institute et le Toda Peace Institute.

Et ce schéma directeur est rempli de trucs intéressants, il faut que je trouve le temps de m'y plonger. En particulier, Julien a débusqué ce tableau comparatif de la tech « antisociale » et de la tech « pro-sociale ». Et comme il le dit très bien :

Les plateformes antisociales fonctionnent comme des courtiers en données et des plateformes publicitaires, là où les plateformes prosociales fonctionnent comme des services publics conçus pour le bien commun. Tout le reste en découle : choix des métriques, collecte de données, systèmes de recommandation, design d'expérience.

# Tech antisociale  - Monétisation : fonctionnent comme des courtiers en données et des plateformes publicitaires. - Métriques : utilisent des indicateurs tels que les utilisateurs actifs quotidiens, les clics, le temps passé sur la plateforme. - Données : confidentialité minimale, collecte de données maximale. - Systèmes de recommandation : amplifient le contenu hautement émotionnel, encouragent l'indignation et le contenu qui divise. - Conception UX : réduisent l'action humaine avec des astuces de conception manipulatrices pour maximiser l'engagement de l'utilisateur ; sapent involontairement la cohésion sociale.  # Tech prosociale  - Monétisation : fonctionnent comme des services publics conçus pour le bien commun. - Mesures : utilisent des indicateurs tels que la satisfaction déclarée par les utilisateurs sur la communication entre les groupes. - Données : maximisent la vie privée, minimisent la collecte de données ; privacy by design. - Systèmes de recommandation : amplifient les sources fiables, encouragent les domaines d'accord entre les groupes. - Conception UX : maximisent l'action humaine et le contrôle de l'expérience de l'utilisateur ; conçues pour renforcer la cohésion sociale.

Le lien du blueprint (schéma directeur)

La question d'interdire ou pas les réseaux sociaux, certains réseaux sociaux, à tout ou partie de la population est évidemment une question compliquée. Et j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer une partie de ma position dans un article : Éduquer au numérique dans la ligne de crête entre « paniques morales » et technorassurisme.

Mais pour faire simple, je vais totalement dans le sens de Julien : « ce que l'on doit réguler, ce ne sont pas "les réseaux sociaux", mais bien les activités de courtage de données et de publicité en ligne ». Je le formule autrement dans la conclusion de mon article : « s'il faut interdire, puisque certain⋅e⋅s ne jurent que par ça, interdisons la publicité, les dark pattern, les monopoles, la lucrativité abusive, ou encore la captation de données personnelles ». 

Je vais exprimer les choses très clairement : je suis fondamentalement pour interdire (ou réglementer sévèrement) certaines plateformes sociales dont le niveau de toxicité a atteint des limites irratrapables, selon moi. Comment juger de la toxicité d'une plateforme ? On peut reprendre un tableau du blueprint (décidemment très intéressant) partagé. Il liste les préjudices causés par les plateformes au marché, au social et à la politique.

Tableau qui liste les externalités négatives des plateformes numériques du point de vue du marché, du social et de la politique

En matière de toxicité, je pense donc assez naturellement à Facebook et Instagram, à Youtube, à X, et à Tiktok bien sûr. Et je voudrais discuter de leur interdiction pour tout le monde, pas seulement pour les « jeunes ». D'ailleurs, il n'y aurait même pas réellement besoin d'interdire certains réseaux sociaux, il « suffirait » en réalité d'interdire la publicité ciblée pour que toutes ces entreprises (dont le modèle économique dépend à quasi 100%) s'effondrent d'elles-même. Ce qui laisserait un vide bénéfique pour faire émerger les alternatives numériques existantes et à venir.

Mais pour ça, il faudrait une légitimité démocratique (se basant sur des critères objectifs et une logique de coûts/bénéfices pour chaque réseau social), une éducation populaire aux enjeux du numérique (pour que la population comprenne en quoi ces plateformes sont devenues toxiques, et puisse se faire une opinion éclairée) et une énorme volonté politique. On en est assez loin...

Aujourd'hui, l'État coupe les budgets de l'éducation au numérique et de la médiation numérique (qui n'a de toute façon jamais été une véritable volonté politique), accueille toutes les big tech du moment à Vivatech (c'est en ce moment), et propose d'interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. La voie est longue...

🎶 Rédigé à la va-vite en écoutant Antisocial de Trust

Photo de Mehdi Genest sur Unsplash

Meme type « Drake don't like / like » avec en haut « Interdire certains réseaux sociaux toxiques » et en bas « Interdire tous les réseaux sociaux aux jeunes »
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Cet article a été mise à jour le 12 juin 2025