Numérique acceptable
Je milite pour un numérique acceptable et pour une transformation « alternumérique » des organisations et des sociétés. Dans cette page et au travers de mes articles, j’explore les contours d’un alternumérisme radical.
Table des matières
Le numérique acceptable
Dans la droite ligne d’André Gorz et d’Ivan Illich, voilà une ébauche de ce en quoi consiste pour moi un numérique acceptable. Car si le numérique est un fait social total, il est aussi la somme d’un ensemble de « choses » plus ou moins utiles, désirables, soutenables.
Nous devons politiser les choix techniques et technologiques et pour cela, il est utile d’avoir des outils d’aide à la décision. Cette réflexion n’est absolument pas aboutie, je sais que d’autres modèles existent et je vais aller les exhumer. Vos commentaires et retours sont les bienvenus comme toujours.

Dessin réalisé sur Diagrams (ancien Draw.io), encore un outil en ligne génial et entièrement libre.
Manifeste pour un alternumérisme radical (V1)
L’alternumérisme radical vise à développer un numérique acceptable : soutenable socialement et écologiquement, émancipateur et non aliénant, choisi et non subi1.
L’alternumérisme radical intègre dans sa vision la nécessité de l’arrêt de la numérisation effrénée du monde, et la dénumérisation de certain⋅e⋅s technologies, outils, équipements et processus. Un « autre numérique », c’est parfois pas de numérique du tout.
L’alternumérisme radical vise à concevoir et à mettre en place des processus démocratiques (consultations, débats, discussions, convention citoyenne, processus de vote) permettant de décider collectivement des futurs numériques acceptables, en lien avec les limites écologiques et sociales du monde. C’est seulement à l’échelle politique qu’un numérique acceptable, de même qu’une société plus sobre et résiliente, peut se décider et réellement voir le jour.
L’alternumérisme radical se défie de tout solutionnisme technologique. Ce n’est pas le numérique qui résoudra quoi que ce soit, ni les problèmes actuels du numérique, ni la crise écologique, ni la démocratie, ni les conflits entre les pays.
L’alternumérisme radical a conscience que le numérique amplifie les inégalités sociales multiples, mais pour autant, ne confond pas l’amplificateur et la cause. Le numérique n’a pas créé la violence, les inégalités sociales ou les rapports de pouvoir. Mais il les amplifie, et parfois, les transforme. Par ailleurs, comme beaucoup d’autres industries, le numérique repose sur toute une filière qui exploite méticuleusement et délibérément le vivant.
L’alternumérisme radical aspire à une critique profonde des technologies numériques sans pour autant verser dans un discours réactionnaire qui laisserait croire notamment que « tout était mieux avant ».
L’alternumérisme radical n’est pas technocentré, il se pense et se définit à l’entrecroisement et au service de nombreuses autres luttes : anticapitalisme, féminisme, antiracisme (et toutes les luttes pour l’égalité et contre les discriminations), justice sociale, écologisme… De la même manière, l’alternumérisme n’adviendra pas sans une profonde transformation de systèmes politiques et économiques.
Lire aussi : Transformer le numérique : des pistes pour un alternumérisme radical
Numérique responsable, critique d’un oxymore
Le langage est un outil puissant, et mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde, comme disait Camus. C’est d’autant plus vrai pour la croissance verte, le développement durable ou encore le numérique responsable. Trois exemples d’oxymores omniprésents dans le vocabulaire technocratique et qui, en nous brouillant le réel, en nous empêchant de saisir l’urgence environnementale et sociale, ajoutent au malheur du monde, littéralement.
[...]
Il faut le dire clairement et simplement. Le numérique ne peut pas être responsable, c’est une injonction contradictoire évidente quand on connaît le cycle de vie entier des équipements et des infrastructures numériques. Peut-être pourra-t-on rendre responsable une partie de la chaîne, mais jamais l’entièreté. C’est exactement pour la même raison qu’il n’y aura jamais d’énergie propre. N’importe quelle énergie renouvelable nécessite des minerais, et certaines des terres rares, dont le simple minage et raffinage ont un impact humain et environnemental énorme, sans parler du transport, de l’assemblage, etc.
[...]
J’ai désormais la conviction que l’adjectif responsable n’est plus approprié pour qualifier un environnement numérique désirable ou soutenable. Son caractère oxymorique, son rattachement idéologique au développement durable, son flou caractérisé sur les questions pénales, nous invite à chercher d’autres grilles de lecture. Depuis quelques mois, je propose de parler de numérique acceptable.
Le numérique est politique… et le numérique dominant est inacceptable
Mon parti pris, c’est que ce numérique dominant, tel qu’il est aujourd’hui proposé de manière hégémonique par les géants du numérique, n’est pas acceptable. Il n’est pas émancipateur, mais largement aliénant. Il n’est pas choisi, mais largement subi. Pire encore, il n’est pas soutenable humainement et environnementalement. Ce numérique là, dominant, hégémonique, monopolistique, est-il compatible avec les valeurs des organisations d’intérêt général ?
[...]
C’est une prise de conscience qu’il faut accompagner au sein des organisations d’intérêt général, porteuses de valeurs fortes : les choix d’outils numériques sont devenus trop importants, trop stratégiques, trop porteurs de sens, trop… politiques, pour que l’on continue de les reléguer à leur seule dimension technique. Dit autrement, les choix d’outils numériques doivent devenir des choix politiques au sein des organisations d’intérêt général.
Ressources
Vous trouverez de nombreux contenus (conférences, cours, ateliers) qui permettent d’explorer l’alternumérisme radical avec vos publics, dans mon espace ressources.
Contenus pratiques pour un numérique acceptable
On parle parfois d’hygiène numérique. Il s’agirait du fait de prendre conscience de l’écosystème numérique qu’on utilise au quotidien, de chercher à comprendre son modèle économique, son fonctionnement, etc.
L’émancipation numérique va un cran plus loin : elle invite à reprendre le contrôle de son écosystème numérique, de gagner en indépendance, en contrôle, en compréhension. De ne plus seulement être façonné par l’outil numérique, mais de le façonner à son tour. Alors, par où on commence pour reprendre le contrôle et aller vers un numérique acceptable ? Quelques pistes dans ces articles :
J’ai déplacé mes conseils pratiques sur le site Alternatives Numériques, plus adapté.
- Héberger son contenu ou dépendre d’une plateforme : quelle différence ?
- Réinventer l’exploration du web
- Trouver des logiciels et services alternatifs
- Protéger sa vie privée et sa sécurité
- Services libres et hébergeurs de services libres
- Où trouver des contenus sous licence libre
- Continuer à se renseigner, être curieux, débattre, voter (à venir)
Reconnaissance intellectuelle
Comme dit le dicton, nous qui proposons humblement nos avis et nos réflexions, ne sommes que « des nains sur des épaules de géants ». Je voudrais exprimer ma dette intellectuelle auprès des personnes et des organisations qui inspirent au quotidien mon exploration de l’alternumérisme radical et du numérique acceptable. La liste, non exhaustive (impossible) est disponible sur une page dédiée.