Migration Twitter vers Bluesky : un technosolutionnisme ?

Je n'ai pas beaucoup plus d'énergie à donner que celle que j'ai mise à rédiger mes deux articles précédents, mais je pense quand même que nous (les progressistes en général, la gauche, les syndicats, la sphère numérique francophone et européenne) ratons collectivement quelque chose à regarder la « migration » se faire de X à Bluesky.
« Ce que je souhaite c'est retrouver le Twitter d'il y a dix ans ». Je comprends l'engouement, l'excitation, la joie même de retrouver « le Twitter des débuts ». Et je ne dis PAS que Mastodon est parfait et/ou doit être la terre d'accueil à tout prix. Mais ce qu'il se passe en ce moment coche toutes les cases du technosolutionnisme. Au lieu de chercher les causes de ce qui n'a pas fonctionné sur X (et ces causes ne sont pas que techniques, elles sont aussi sociales, économiques, idéologiques, politiques), on fonce sur la solution technique « la plus simple » au problème qu'est devenu X. Et cette solution toute trouvée s'appelle Bluesky. Or une solution technique, même différente par certains aspects, ne règlera pas (tous) les problèmes de X.
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Soyons clairs, ce n'est pas sur les internautes que doivent reposer tous les « éco-gestes numériques ». Cette énorme réflexion sur l'état des réseaux sociaux, cette conception d'alternatives, cette mise en mouvement, elle devrait être portée par tous les corps intermédiaires, les syndicats, les partis politiques, mais aussi les médias, les organisations d'intérêts général, les associations, les agences publiques, les gouvernements européens. D'autant que nous ne découvrons pas la situation. Tous les problèmes de X existaient avant le rachat par Musk, qui n'a fait que supprimer les derniers garde-fous. Les réseaux sociaux dominants constituent un problème démocratique depuis longtemps (pour rappel, Cambridge Analytica, c'était en 2018), comme l'a encore rappelé récemment le Conseil national du numérique, qui a fait le choix courageux de quitter X et d'appeler à construire des alternatives européennes.
Bref, c'est un « regret pieux », mais on est à un moment de pivot, potentiellement unique, qu'il était possible d'anticiper et de préparer, et on ne l'utilise pas. Et pourtant, l'actualité internationale devrait nous y inciter...
Photo de Adam Sherez sur Unsplash