L'infomédiation des réseaux sociaux se tarit... au détriment des médias

J'ai failli passer totalement à côté de cette étude du Reuters Institute, partagée dans l'indispensable veille de Meta-Media. Quelques réflexions.

Almost two-thirds (63%) of our survey respondents say they are worried about a sharp decline in referral traffic from social media sites. Data sourced for this report from analytics provider Chartbeat shows that traffic to news sites from Facebook fell 48% in 2023, with traffic from X/Twitter declining by 27%. In response to these developments, around three-quarters (77%) say they will focus more on their own direct channels in the next year, with a fifth (22%) resorting to cutting costs and a similar proportion (20%) experimenting with alternative third-party platforms.

Journalism, media, and technology trends and predictions 2024

D'où viendrait cette baisse brutale ? Un ensemble de facteurs. La nature de plus en plus toxique des réseaux sociaux (dominants) conduirait ses utilisateur⋅ice⋅s à se tourner de plus en plus vers des espaces privés. Le renforcement des plateformes de création de contenu, Youtube et Tiktok en tête, jouerait également un rôle important, notamment chez les plus jeunes pour qui le format vidéo est devenu le medium d'information dominant.

Cela pose de nombreuses questions : est-ce une tendance appelée à s'installer ? Est-ce une question générationnelle ? Les plus jeunes privilégieraient le format vidéo, mais en grandissant, élargiront-ils leur surface informationnelle à l'audio (radio et podcast) et à l'écrit (presse écrite et numérique) ? Il est un peu tôt pour le dire. Il est certain que les journalistes de la presse traditionnelle ont intérêt à étendre leurs compétences vers les formats vidéos qui fonctionnent chez les jeunes (et pas que). Mais je crois que certaines analyses, enquête, reportages nécessitent des articles écrits, des vidéos longues. Ou des podcasts longs. Le « format court » est tentant, mais il nivelle l'information par le bas, je pense.

On lit aussi entre les lignes de cette étude la concurrence que font les influenceur⋅se⋅s aux journalistes, en captant de l'attention et parfois même en informant leurs fans. Je ne veux pas généraliser les influenceur⋅se⋅s, car certain⋅e⋅s (soyons clairs, une minorité) font des choses très intéressantes, mais à mon avis, il y a là aussi motif à s'inquiéter... Influenceur⋅s et journalistes ne devraient pas avoir la même légitimité. Dans une époque de post-vérité et de guerres informationnelles croissantes, c'est encore plus vrai.

This confusion is a feature of a fragmented internet, which can give the impression that two opposing phenomena are happening simultaneously: Popular content is being consumed at an astounding scale, yet popularity and even celebrity feel miniaturized, siloed. We live in a world where it’s easier than ever to be blissfully unaware of things that other people are consuming. It’s also easier than ever to assign outsize importance to information or trends that may feel popular but are actually contained.

The Atlantic : Nobody Knows What’s Happening Online Anymore

Comme l'ont rappelé plusieurs articles récemment, nous ne naviguons plus sur le même web, ne voyons plus les mêmes contenus, ne partageons plus la même expérience du web. Selon notre âge, notre géographie, nos revenus, nos intérêts... et tous les autres milliards d'informations que les plateformes numériques, nouveaux gatekeeper du web, détiennent sur nous. Au gré des algorithmes de plus en plus perfectionnés et personnalisés, nous voyons ce que nous voulons voir, chacun dans notre tunnel d'information et de divertissement. Je l'écrivais sur ce blog : pour revenir à l'esprit web, il faut (re)devenir beaucoup plus curieux !

Voici les graphiques partagés dans l'étude du Reuters Institute. Cliquez pour agrandir.

Cet article a été mise à jour le 7 juin 2025