En 2023, (re)prenons le temps !

Personne au monde n’était aussi riche qu’eux, justement parce qu’ils ne possédaient rien et ne désiraient pas davantage.

Le Lion (1958) de Joseph Kessel

En 2020, je vous proposais qu’on prenne un peu de recul. Pour 2021, un peu de retard. En 2022, j’ai tenté des vœux optimistes et autoréalisateurs en espérant que l’année écoulée soit celle de la raison pour le monde numérique. Pour 2023, je vous propose cette fois de repenser notre rapport au temps. Suivez le fil conducteur 😉

Par un alignement des planètes, je suis en ce moment en pleine réflexion sur mon propre rapport au temps et au travail. Cette réflexion est à la fois conjoncturelle (débats autour de la réforme des retraites, mon congé parental en cours) et accidentelle, car il se trouve que j’ai entamé, sans lien apparent au départ, plusieurs lectures sur le sujet.

J’ai par ailleurs publié un bilan 2022 de mes activités professionnelles, forcément influencé par ces réflexions. Je vous en encourage la lecture.

Un premier livre m’a d’abord attiré du coin de l’œil dans une librairie, il y a une semaine. Il s’agit du très sympathique Paresse pour tous, de Hadrien Klein. L’auteur sous pseudo imagine la campagne présidentielle d’un candidat, prix Nobel d’économie, proposant de passer à la semaine de 15 heures. Le livre est inégalement écrit, parfois un peu (beaucoup) caricatural. Mais il se croque facilement, et livre avec simplicité de très beaux passages, propices à de longues réflexions et discussion.

« Il suffit de regarder aujourd’hui ce que nous avons autour de nous dans nos appartements, nos maisons. Tant d’objets ! tant de nourriture ! Tant de services ! Au lieu de diviser par quatre le temps de travail, nous avons multiplié par quatre nos “besoins”. Nous avons des téléphones bourrés de technologies : mais il faut tous les ans augmenter leur puissance ! Des télévisions immenses, mais toujours trop petites ! Des voitures confortables mais il faut encore ajouter des sièges chauffants ! […] Et ainsi de suite ad nauseam. Et pourtant, cette nausée, nous pourrions en guérir. »

Le prochain livre de ma liste vient de paraître (je vous parlais d’alignement des planètes). Il s’agit d’un essai de l’économiste Daniel Susskind, qui fait étrangement écho à ma première lecture, puisqu’il s’agit d’explorer cette fois Un monde sans travail, suite aux progrès de la robotisation, de l’automatisation et aujourd’hui de l’algorithmisation et des intelligences artificielles.

« Ce livre est consacré à un des plus grands défis économiques de notre époque : la menace d’un monde qui risque de ne plus avoir assez de travail bien rémunéré pour tous, à cause des bouleversements technologiques qui se profilent. J’avoue que je l’ai rédigé avec un sentiment d’urgence, parce que j’estime que nous ne prenons pas cette menace assez au sérieux. »

En ce qui me concerne, cela fait quelques années que je pressens que si le travail rémunéré est loin de disparaître, il semble voué à se raréfier et se complexifier, ce qui interroge radicalement nos modèles d’éducation et de répartition des richesses… J’ai donc hâte de m’attaquer à cet ouvrage.

Le troisième livre qui m’attend est l’ouvrage philosophique de Céline Marty, Travailler moins pour vivre mieux. « À la croisée de la philosophie, de la sociologie et de l’histoire, Céline Marty décortique sans tabou les origines tumultueuses de notre idéologie du travail et dessine des pistes d’émancipation antiproductivistes. ». Ça donne très envie !

Indépendamment de la question de la quantité de travail disponible qu’évoque Daniel Susskind, ce que provoquent chez moi ces lectures, c’est de réellement m’interroger sur le sens du travail rémunéré, en général. À quoi sert-il de gagner 100, 500 ou 1 000 euros de plus par mois si l’on augmente quasi mécaniquement ses besoins et sa consommation ? À quoi sert-il de travailler plus, pour gagner plus, si c’est uniquement pour ensuite consommer plus ? Bien sûr, je mesure le privilège que j’ai de me poser de telles questions. Il va sans dire que repenser notre rapport au travail rémunéré pour toutes et tous invite à repenser assez profondément et radicalement la société et la répartition des richesses. Mais, comme le propose Emilien Long, le faux candidat de Paresse pour tous, je dois reconnaître que la promesse d’une société où on limite au maximum le travail rémunéré en réduisant au maximum les besoins superflus, tout en libérant du temps pour du travail non rémunéré (jardinage, associatif, participation à la vie politique, musique, bricolage, etc.), est très séduisante. Surtout dans le contexte que l’on connaît : crise sociale, crise environnementale, crise des valeurs et crise de sens.

À mon niveau, je suis très attentivement ce que font des camarades indépendants qui déterminent leur revenu minimum nécessaire pour plafonner leur activité rémunérée, et ainsi se libérer du temps pour des projets bénévoles. C’est d’ailleurs ce que je fais depuis cinq ans, lorsque j’écris sur ce site, que je contribue à des associations, ou que je partage du contenu qui m’a demandé des heures de travail. J’ai envie de continuer de creuser dans cette direction, car je suis persuadé que moi aussi, je peux encore réduire mes besoins, et donc mon revenu minimum nécessaire.

Bref, en 2023, (re)prenons le temps ! Tous mes vœux de santé, de joie, et de réussite dans vos projets personnels et professionnel.

Louis

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