Ordinateurs et performances des élèves : quelle connexion ?

Encore récemment, une tribune venait nous vendre les bienfaits du numérique pour l’éducation. Je note donc ici, pour mémoire, mais aussi pour pouvoir facilement les retrouver, les résultats d’un rapport de l’OCDE datant de 2015, et du dossier Numérique et apprentissages scolaires du CNESCO, datant lui de 2020.

Voici ce que déclarait ce rapport de l’OCDE1 :

Les ressources investies dans les TIC dans le domaine de l’éducation ne sont pas liées à une amélioration des résultats des élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences.

Dans les pays où il est moins courant pour les élèves d’utiliser Internet à l’école dans le cadre du travail scolaire, la performance des élèves en compréhension de l’écrit a connu une amélioration plus rapide que dans les pays où cette pratique est plus répandue, en moyenne.

Dans l’ensemble, la relation entre l’utilisation des ordinateurs à l’école et la performance s’illustre graphiquement par une courbe en forme de U inversé, qui suggère qu’un usage limité des ordinateurs à l’école peut être plus bénéfique que l’absence totale d’utilisation, mais que les niveaux d’utilisation supérieurs à la moyenne actuelle des pays de l’OCDE sont associés à des résultats significativement plus faibles.

Rapport OCDE 2015

Plus récemment, le dossier du CNESCO2 concluait quant à lui :

Cette analyse d’ampleur inédite met en évidence des effets globaux du numérique le plus souvent positifs et modestes, qui masquent de très grandes variations des résultats. Ce qui veut dire que souvent, les outils ne suffisent pas, à eux seuls, à mécaniquement améliorer les apprentissages de façon notable. Parfois ils y parviennent, mais parfois ils les détériorent : pour être efficaces, les outils doivent non seulement être pertinents pour l’apprentissage de la connaissance visée, mais aussi être intégrés de façon pertinente dans une situation d’enseignement-apprentissage. D’autres effets peuvent être négatifs, ou encore à déterminer car ils font appel à des outils trop récents.

Dossier Numérique et apprentissages scolaires du CNESCO (2020)

Changer de priorité ?

Comme d’autres acteurs de l’éducation aujourd’hui, voilà ce que ces résultats m’inspirent. D’une part, étant donné que le numérique est partout, un fait social total, un nouveau paradigme, qu’il fait partie du paysage, il est évident qu’il doit en être question à l’École. Peu importe les études sur l’effet qu’il a (ou n’a pas) sur les apprentissages, puisqu’il s’agit là d’un objet d’apprentissage, et pas d’un moyen d’apprentissage. Mais il est alors bien question d’éducation AU numérique. Pas d’éducation avec ou par le numérique. Pour le dire très clairement, je milite pour qu’on apprenne à développer des pratiques émancipatrices du numérique à l’École. C’est un enjeu de justice sociale. Autrement, on crée des écarts de ce qu’on pourrait appeler le capital numérique. Maintenant, comment organiser cette éducation au numérique (quoi, pour quoi, par qui) ? C’est toute la question et clairement la réponse n’a pas encore totalement émergé. Le CRCN et la récente charte pour l’éducation à la culture et à la citoyenneté numériques commencent à formaliser des propositions.

D’autre part, ces résultats devraient nous inspirer une très grande vigilance quant à nos attentes vis à vis de ce qu’on appelle maladroitement le « numérique éducatif », c’est à dire ces technologies sensées aider les apprentissages. Aujourd’hui, nous lâchons littéralement des centaines de millions d’euros dans de l’équipement et de l’outillage, pour ce numérique éducatif. Au vu des études qui répètent les faibles impacts du numérique dans les apprentissages, ce n’est plus de l’ignorance, c’est du déni, une fuite en avant… Encore une fois, je conseille la lecture du livre de Justin Reich, Failure to disrupt, dont j’ai fait la recension, ou celui d’André Tricot et de Franck Amadieu.

Pour éduquer au numérique, et plus généralement pour éduquer dans un monde où tout est numérique, il n’y a pas nécessairement besoin de tout cet équipement coûteux, souvent peu ou mal utilisé (sans parler des injonctions à l’utiliser…), catastrophique écologiquement parlant. Pour éduquer au numérique, il y a d’abord besoin d’enseignants bien formés, à qui il faudra ensuite donner les moyens (équipements et outils) de faire leur métier. Mais c’est bien sûr la question essentielle des objectifs et sur l’enjeu immense de la formation qu’il faudrait peut-être concentrer notre intelligence et nos moyens.

D’autres articles en lien :

Photo à la une de Kyle Head sur Unsplash

Notes de bas de page

  1. Connectés pour apprendre ? LES ÉLÈVES ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES (2015)
  2. Numérique et apprentissages scolaires du CNESCO (2020)

Publié dans

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