Pour 2021, prenons du retard !

À l’heure où je commence à écrire ce texte, la démocratie américaine est presque à genoux…

Cette triste et angoissante actualité a inspiré mes vœux pour 2021. Elle m’a rappelé que dans les milieux tech et startups, entre autres, il est devenu habituel d’entendre à quel point la France et l’Europe sont « en retard » sur d’autres puissances mondiales. En particulier sur les États-Unis et la Chine.

Ce retard, ou cette peur d’un retard fantasmé, a d’ailleurs fini par devenir l’un des principaux arguments des tenants d’une fuite en avant technologique, plus ou moins conscientisée. Autrement dit, on avance parce qu’on n’a pas le choix, parce que c’est le progrès et il faut avancer d’autant plus vite qu’on est déjà en retard.

C’est pourquoi, et je sais que c’est enfantin comme réflexion, mais je vais vous la partager quand même : si les États-Unis et la Chine sont nos modèles, notre horizon, notre destination, je serais très heureux que nous conservions notre retard.

Je suis très heureux qu’en France et en Europe plus qu’ailleurs, les citoyens râlent, se posent des questions, publient des livres critiques, demandent des moratoires, aillent manifester. Toutes ces actions prennent du temps et retardent les réformes, alors voilà que nous accumulons toujours plus de retard.

On a pu croire pendant le premier confinement qu’il allait enfin être permis de prendre son temps avant de prendre des décisions stratégiques et structurelles. Hélas, la réalité est revenue au galop. À nouveau, et le récent déploiement de la 5G constitue en cela un bon exemple, voilà que nous étions encore en retard. À nouveau, il n’était plus permis de poser des questions, de réclamer des débats de société, d’exiger plus de démocratie. C’était une perte de temps inacceptable, voire de l’obscurantisme.

Mes vœux pour 2021, au-delà de la gestion sanitaire actuelle et de l’urgence climatique qui restent nos priorités, sont que nous acceptions enfin de ralentir la cadence infernale que nous imposons au monde, au vivant et à nous-mêmes. Décroître s’il le faut. Mais prendre enfin le temps de revenir aux choses essentielles de notre humanité, au goût des choses simples. Prendre le temps de choisir, comme le proposait Latour, ce que nous voulons garder de notre société actuelle, et ce que nous voulons transformer ou arrêter. Concrètement, pour 2021, prenons du retard !

L’état d’urgence permanent, provoqué par la peur du retard est un poison. Il nous interdit de penser, de critiquer, de nous opposer. La prochaine fois qu’on me dira que nous sommes en retard vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, je répondrai que ces modèles n’en sont pas pour moi, et que j’assume notre retard.

Bonne année à toutes et tous.

Édits suite à quelques réactions et échanges (merci !) :

  1. Prenons du retard, sauf pour traiter l’urgence climatique, les inégalités, etc. Mais prenons le temps de réfléchir à la bonne façon de traiter ces enjeux.
  2. Quand je dis que je suis heureux que les français râlent, je ne veux pas dire que je soutiens sans réserve tous les mouvements de protestation. Je le précise au cas où.
  3. Quand je dis qu’en 2021, nous devrions prendre du retard, je sous-entend que c’est pour changer de cap sur un certain nombre de sujets (en ce qui me concerne particulièrement, dans notre rapport à l’écosystème numérique qui est en train de nous échapper).

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