Le Forum École Alternumérique à l’honneur chez Nipedu

En marge des États généraux du numérique pour l’éducation, un Forum « École Alternumérique » s’est tenu discrètement, (beaucoup) trop discrètement, le mercredi 4 novembre, à l’initiative de l’AFEF1.

Des échanges, des réflexions, des questions et des inquiétudes aussi, que j’ai pu écouter par bribes le jour J, et que j’ai été ravi de pouvoir retrouver dans le dernier (et excellent) Nipédu dédié2.

Je conseille fortement l’écoute de cet épisode, pour comprendre qu’une école (alter)numérique n’est pas contre le numérique, mais veut réfléchir avec exigence et intelligence à la place à donner au numérique. Évidemment, je suis très sensible à ce discours, et je pense qu’il faut le diffuser !

(À ce sujet, j’ai écrit une tribune pour le Monde : le solutionnisme numérique ne sauvera pas l’école, et un article initial pour réfléchir à quelle place donner au numérique dans « l’école d’après »)

La chronique de Fabien Hobart

Et pour illustrer cette émission, j’ai eu l’autorisation de publier la chronique de Fabien Hobart, un des trois animateurs de Nipedu. Je l’en remercie, car j’y ai retrouvé un condensé d’humour et d’intelligence sur les différents enjeux d’un écosystème numérique éducatif.

Je dois confesser ici que j’ai, depuis tout jeune, été fasciné par la saga Terminator. Peut-être s’agit-il d’un paradoxal symptôme post-traumatique, conséquence de ce mercredi après-midi de l’an 1986 où mon camarade Olivier Delbreil m’avait proposé de visionner, en toute clandestinité, le premier opus de la série des cyborgs humanicides. 

Vous imaginez dès lors ma joie, lorsque Jean-Phi me proposa de me charger de couvrir le second débat du forum école alernumérique qui avait pour thème « Le métier enseignant : reprenons la main sur le numérique ».

Il y avait bien là de quoi réactiver tous mes fantasmes d’élève de CM1. Dans une dystopie devenue réalité, SkyNet aurait donc neutralisé l’humanité toute entière en commençant par asservir sournoisement l’irréductible corporation enseignante.

Mais alors que débute le débat, je prends conscience que la réalité des échanges sera toute autre « ce forum ne s’est pas construit contre le numérique éducatif » rappelle Viviane Youx avant de céder la parole à une collègue de français qui détaille, avec enthousiasme et conviction, la manière dont elle a transformé sa classe de 5ème en office du tourisme poitevin dans un projet qui n’était pas sans rappeler l’écriture d’un guide touristique proposé par Marie Soulié à ses élèves il y a de cela quelques années.

Me voilà donc passé du scénario catastrophe post-apocalyptique à l’utopie pédagogiste version 3.0. Une École qui, grâce aux savoir-faire de ses enseignants, envisage et actualise le numérique, non pas comme un outil, mais comme un nouvel environnement qui place au premier plan l’ingénierie pédagogique en cela qu’il invite à « descendre dans chacune des didactiques et comprendre les mécanismes de chaque discipline pour augmenter la puissance de penser et de créer de chaque élève », dixit Dominique Bucheton.

Mais n’allez pas vous méprendre les garçons. 

Tels des Sarah et des John Connor de la pédagogie, les participants au débat ne s’en laissent pas si facilement compter. Quid de ces inégalités que creuse le numérique entre les élèves mais également entre les enseignants, inégalités parfois organisées, malgré lui, par le politique qui délivre sans considération du matériel inadapté et enjoint les professionnels à superposer dans des scénarios pédagogiques souvent aussi baroques qu’inopérants, des applications conçues par des EdTech elles-mêmes déconnectées de l’École ? Pire, ne sommes-nous pas là face à une tentative orchestrée par les géants du numérique de modifier en profondeur les missions de l’École pour les faire passer de l’émancipation éclairée à la servitude volontaire, où élèves et enseignants, par l’usage standardisé de véritables “pompes à données”, en seraient réduits à délivrer et accumuler de l’information, tout juste bons à devenir de dociles exécutants et de paisibles consommateurs ?

Ce que ce débat a surtout contribué à aborder, c’est cette dialectique, chère à Alain Damasio et à Régis Forgione, entre un numérique qui tantôt empuissante et tantôt impuissante le pédagogue. Et puisque, comme dans tout débat qui se respecte, ces échanges ont nourri plus de questions qu’il n’ont apporté de réponses et puisque l’AFEF a d’ores et déjà annoncé mettre prochainement à disposition des espaces pour poursuivre les discussions, voilà quelques-unes des pistes de réflexion offertes aux futurs participants : Comment ajuster son expertise pédagogique aux nouvelles donnes environnementales et didactiques des sociétés digitalisées ? Comment y préserver toute l’éthique de la relation qui fonde les situations pédagogiques ? Comment concilier nécessité individuelle et responsabilité institutionnelle dans un usage performant et performatif du numérique éducatif ? Faut-il envisager l’hybridation de l’enseignement comme une alternance présentiel/distanciel ou comme une externalisation de l’action pédagogique au sens large dans une logique d’apprentissage auto-socio-constructiviste ? 

Et comment terminer cette chronique autrement que par cette célèbre promesse autoréalisatrice formulée par Arnold Schwarzenegger et reprise à son compte par l’AFEF à l’issue de ce second débat : I’ll be back !

Fabien Hobart, Nipedu épisode 123 : École (alter)numérique

Merci à Fabien pour le partage, foncez écouter cet épisode et globalement abonnez-vous à Nipedu !

Sketchote de l’épisode par Anne-Cécile Callejon. Retrouvez ses productions : https://annececilecallejon.com/

Quelques liens pour aller plus loin

Sketchote de l’épisode par Anne-Cécile Callejon. Retrouvez ses productions : https://annececilecallejon.com/

Notes de bas de page

  1. Association française pour l’enseignement du français
  2. NIPÉDU 123 : ÉCOLE [ALTER]NUMÉRIQUE

Publié dans

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