Et si on appliquait le pari de Pascal à l’écologie ?

Deux routes, deux choix

Au XVIIème siècle (le siècle de Louis XIV, de l’autorité royale absolue, des guerres de religion), vivait Blaise Pascal, un philosophe, mathématicien, inventeur aux multiples casquettes.

Petite parenthèse : j’ai eu l’occasion de citer Blaise Pascal dans mes cours de culture numérique pour son invention de la Pascaline, l’une des toutes premières machines à calculer. Le génie précoce l’inventa posément à 19 ans pour soulager son père dans ses tâches de collecte des taxes. L’occasion de rappeler qu’aux origines de l’informatique et du numérique était le besoin simple et pragmatique de faire des calculs. Je ferme la parenthèse. Désolé je n’ai pas pu m’en empêcher !

La Pascaline. Image sous licence libre issue de Wikipedia

Mais Blaise Pascal n’a pas seulement créé des machines à l’âge prépubère, il a aussi théorisé et défendu ardemment la religion catholique dans ses Pensées, une oeuvre posthume composée de notes et de réflexions, dont le Pari de Pascal.

Le Pari de Pascal sur la religion

Le Pari de Pascal est le suivant : nous avons tous intérêt à croire en Dieu. En effet, si Dieu existe, jackpot, car nous irons au paradis. Et si Dieu n’existe pas, nous n’aurons pas perdu grand-chose. Par contre si nous ne croyons pas, et que Dieu existe, nous irons en enfer pour l’éternité.

L’article Wikipedia du Pari de Pascal expose la chose sous la forme d’un tableau qui a le mérite d’être clair et visuel.

Dieu existeDieu n’existe pas
Vous pariez sur l’existence de DieuVous allez au paradis => vous gagnez indéfinimentVous retournez au néant => vous subissez une petite perte
Vous pariez sur l’inexistence de DieuVous brûlez en enfer => vous perdez indéfinimentVous retournez au néant => vous obtenez un petit gain

Alors bien sûr, il y a plein de critiques qui peuvent être faites sur ce raisonnement. L’article de Wikipedia en recense certaines, et on peut en faire d’autres, mais ce n’est pas l’objet ici.

En revanche, ce qui est intéressant c’est que concrètement, le Pari de Pascal repose sur une réalité. Les religions, surtout à l’époque de Pascal, se fondaient principalement sur leur promesse de la vie après la mort. La foi du charbonnier, c’est un peu pareil. À l’époque, on n’intellectualise pas vraiment sa croyance. On croit, un point c’est tout, parce qu’on aspire à la vie éternelle, et qu’on a une peur bleue de l’enfer et de la damnation. Tout se joue sur cette croyance, celle qu’on peut accéder au paradis, et éviter l’enfer.

Le Pari de Pascal appliqué à l’écologie

Lorsque je discute écologie avec mon entourage plus ou moins proche, je réalise que nous ne sommes pas forcément au même niveau. Et pourtant, 100% de cet entourage est convaincu qu’il faut changer de comportement, et aller vers plus d’écologie. Mais nous ne sommes pas forcément d’accord sur :

  • Les délais : sommes-nous vraiment à ce point dans l’urgence ?
  • L’intensité : est-ce que trier ses déchets ça suffit ? Faut-il aller beaucoup plus loin ? À quel point ?
  • Les solutions : selon certains, pas besoin de s’embêter, la technologie va nous sauver. Selon d’autres, c’est aux autres (l’état, les organisations) de faire les changements nécessaires. On enfonce un peu plus sa tête dans le sable, tout ira bien…

Je me demande donc ce qui nous empêcherait de nous poser la question sous la forme du Pari de Pascal, en reprenant le tableau proposé par Wikipedia.

L’urgence climatique existeL’urgence climatique n’existe pas
Vous pariez sur l’urgence climatiqueVous avez sauvé la terre et les générations futures en profiteront => vous gagnez indéfinimentRien n’a changé, vous avez fait des efforts pour rien => petite perte
Vous pariez sur l’absence d’urgence climatiqueL’urgence climatique tourne en catastrophe climatique => vous perdez indéfinimentRien n’a changé, et vous non plus => petit gain

En pariant sur l’urgence climatique, on mettrait donc en place toute une série de changements individuels et collectifs pour appliquer les geste écolos, des plus trivaux aux plus exigeants. Deux scénarios majeurs émergeraient alors :

Scénario 1 : Si l’urgence climatique est une réalité, tous nos efforts auront eu un véritable but et auront permis d’éviter le pire, de laisser une planète vivable pour les générations futures, etc.

Scénario 2 : Si l’urgence climatique n’est pas une réalité, alors nos efforts ne nous auront pas coûté grand chose, si ce n’est de changer certains de nos comportements. Nous n’aurons pas “souffert atrocement”.

Le mythe de « l’effort » des gestes écolo

Il y a un mythe autour du fait qu’accomplir des gestes écologiques demanderait des efforts. Des privations. Du temps. C’est dans la majeure partie complètement faux.

Allégorie de la caverne par Pieter Jansz Saenredam sur Wikimedia

Beaucoup de gestes écologiques tournent autour du bon sens, de la mesure, de la simple sobriété :

  • Éteindre les lumières et appareils qui ne sont pas utilisés
  • Ne pas laisser couler l’eau qu’on n’utilise pas
  • Ne pas jeter ce qui peut être réparé, réutilisé, recyclé, donné

Ensuite, d’autres très nombreux gestes demandent de changer certaines habitudes, mais sont ensuite complètement « indolores » :

  • Acheter en vrac au lieu d’acheter des produits emballés
  • Acheter local, de saison
  • Privilégier les contenants en verre plutôt que les contenants de plastiques
  • Manger moins de viandes et découvrir d’autres sources de protéines végétales (légumineuses, soja, etc.)
  • Acheter mieux et moins : ses vêtements, son électroménager

Pour appliquer ces gestes, il suffit souvent simplement de s’en donner les moyens. Mais il faut aussi que les entreprises et les différentes industries, agro-alimentaire, packaging, tourisme, fassent leur part. En massifiant le vrac, en bannissant le plastique, en mettant en place des systèmes de consigne. Pour que ces industries soit « incitées » (comprenez « obligées ») à réaliser ces changements, il faut leur montrer que nous consommateurs, nous voulons changer. Et leur mettre gentiment mais fermement la pression. Au bucher boycott !

Enfin, quelques gestes demandent effectivement de renoncer, en partie ou totalement, à certaines pratiques que nous avons peu à peu considérées comme des acquis :

  • Prendre l’avion ou la voiture déraisonnablement
  • Voyager au bout du monde pour quelques jours

C’est la partie la plus difficile, on ne va pas se le cacher. C’est pour ça qu’il faut commencer par réduire, réfléchir aux raisons qui nous font prendre l’avion, à la durée et au sens qu’on donne au voyage…

Tout est une question d’intensité

Dans le Pari original de Pascal, on aurait pu se dire qu’il suffisait de dire qu’on croyait en Dieu pour aller au paradis. Mais alors, Pascal nous aurait probablement répondu que « QUE NENNI » !!! Parce que dire benoitement qu’on croit en Dieu, c’est quand même un peu trop facile.

Il nous aurait dit que le minimum, c’était d’aller à la messe le dimanche. Mais peut-être qu’un autre que lui, plus dévot, s’insurgerait contre ces propos. Il affirmerait, sûr de lui, que pour aller au paradis, il fallait bien évidemment aller à la messe le dimanche, mais également faire sa prière quotidienne matin et soir, se confesser une fois par mois, partir en pèlerinage tous les 5 ans… Vous voyez où je veux en venir.

C’est pareil pour l’écologie. Tout est question d’intensité. Et désolé, mais on ne sauvera pas la planète en triant, tout contents de nous, nos déchets. Ça ne suffira pas. Pour sauver la planète, il faut réfléchir entièrement à notre façon de consommer, et revoir nos habitudes, petit à petit (voir à ce sujet l’excellent site Ça commence par moi).

Les actions individuelles entraineront les changements d’ampleur

Image sous licence libre de Mika Baumeister sur Unsplash

Il est tentant de se dire que changer ses habitudes à l’échelle individuelle ne sert à rien, que c’est aux politiques, aux entreprises de proposer des changements d’ampleur qui auront un véritable impact. Je trouve que c’est un mauvais raisonnement, et au passage que c’est une manière bien commode de se dédouaner et de ne rien faire.

Les politiques sont l’émanation de la société. Si la société est écolo, les politiques seront écolos, ou sous pression de le devenir. Mais si la société et les individus ne sont pas prêts à faire des efforts individuels, comment attendre des politiques qu’ils prennent le risque de les imposer ? Les récentes élections européennes et la vague verte qui a beaucoup surpris sont la démonstration que plus la société sera écolo à l’échelle individuelle, plus ses représentants politiques seront écolos.

Les entreprises capitalistes sont, pour la grande majorité, dans une logique de rentabilité, pas dans une mission pour sauver la planète. Mais pour gagner de l’argent, elles dépendent toutes de leurs consommateurs, de leurs clients. Et si leurs clients veulent sauver la planète, si leurs clients boycottent leurs produits polluants ou en plastique, alors les entreprises seront obligées de changer. Il suffit de voir comment la grande consommation a changé en seulement un an (bio à gogo, démocratisation des achats en vrac, …). Ce n’est pas parfait, ce n’est pas assez, mais le changement est en cours. Et plus les consommateurs seront impliqués et mettront la pression, plus les efforts des entreprises seront importants, et surtout, rapides dans le temps.

Les écolos ne sont pas malheureux, ils sont même plutôt heureux

À titre personnel, tous les changements que j’ai appliqués et que je continue d’appliquer au fur et à mesure de ma prise de conscience écologique me rendent plus heureux. Et c’est le cas de tous les écolos que je connais, des plus modérés aux plus radicaux.

Parce que je consomme moins de viande, je prends plaisir à réfléchir aux différentes sources de protéines et aux recettes qui me permettront de les déguster. Depuis que j’achète en vrac, j’ai de très jolis bocaux en verre dans mon appartement : effet visuel garanti. Et comme j’achète des vêtements de meilleure qualité, j’en achète (beaucoup) moins souvent.

Je suis convaincu, même si cela n’a rien de scientifique, que je suis plus heureux rien qu’en me disant que je fais ma part pour que notre belle planète reste un miracle de vie, de biodiversité, de paysages à découvrir.

Et vous alors ?

Pour aller plus loin sur le sujet

Image à la une de Caleb Jones sur Unsplash

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