Réaction brève et partielle à l’enquête de l’OCDE, dont une partie des résultats ont été publiés par la DEPP en juin 2019. L’enquête date quant à elle de début 2018 et concerne donc les enseignants du 1er degré.
J’ai toujours été un optimiste sur les questions d’évolution du monde éducatif, de la forme scolaire, de l’intégration des outils numériques à l’école. Mais il est quand même douloureux de lire qu’aujourd’hui encore, il existe autant de freins “techniques” dans notre pays. Et ce malgré les expériences réussies en France et dans les pays voisins…
Le Laboratoire Société Numérique, qui se base sur l’étude, note que :
- Plus de deux directeurs français sur cinq soulignent ainsi « que l’accès insuffisant à Internet porte atteinte à la capacité de leur école à dispenser un enseignement de qualité ».
- 57 % d’entre eux (contre 17 % dans les pays nordiques, 23 % en Angleterre, 35 % en Espagne et 37 % en Flandre) évoquent un matériel numérique à usage pédagogique insuffisant ou inadapté
Ouch…
Comment ça se fait ?
Je ne suis pas un expert des infrastructures et des politiques d’équipement. D’accord, on a un pays étendu, plein de communes (40% des villes européennes sont françaises !!), des petites écoles rurales… Mais on peut quand même soulever quelques interrogations.
Esprit top-down
On peut poser la question de l’esprit top-down français (Ministère > Académie > Collectivité > Établissement) qui fait des ravages. J’ai entendu à ce sujet de bien tristes anecdotes sur le terrain. Quand est-ce qu’on arrivera à partir des besoins concrets de terrain ? Pourquoi est-ce que les enseignants n’achètent pas leur matériel individuellement ? Pourquoi est-ce que les collectivités ou les académies ne se contentent-elles pas de jouer le rôle de centrale d’achat d’équipement, une fois les besoins remontés, par exemple tous les 5 ans ?
Éclatement des communes
Pour le premier degré, il existe aussi une réalité assez simple : nous avons plus de 30 000 écoles élémentaires en France (source : Ville-data.com). Ces écoles dépendent pour leur équipement de plus de 35 000 communes (source : Wikipedia). Comment peut-on attendre d’une commune de moins de 2 000 habitants, donc 86,6 % de nos communes (source : Insee), de pouvoir gérer la complexité technique exigée par une politique d’infrastructure numérique ? Quand systématiserons-nous enfin la création de structures de regroupements d’achat pour les petites communes, à l’instar de syndicats mixtes comme Somme Numérique, Manche Numérique, qui sont des succès ?
Manque de concertation et rivalités
On peut aussi citer le manque récurrent de concertation et d’objectifs communs entre acteurs de terrain. Les enseignants (qui veulent pouvoir faire cours sans la peur panique de perdre du temps !!*), les acheteurs (qui veulent limiter les coûts*), les politiques (qui veulent générer des effets d’annonce*). Plus subtilement, il faut aussi reconnaître que parfois, les politiques numériques sont rendues difficiles, sinon carrément contrecarrées, par la rivalité entre acteurs dont les compétences respectives mériteraient d’être clarifiées. Quand est-ce qu’on dépolitisera l’éducation et qu’on mettra le bien commun en premier ?

Heureusement, on peut trouver des territoires où les choses se passent bien. À titre personnel, je pense que la réussite d’une politique éducative est d’abord une question de personnes. Lorsque ces personnes ont su mettre en place les conditions d’un travail collectif intelligent et constructif, ça marche. Car la mise en place d’infrastructures numériques dans l’éducation mobilise de multiples acteurs. Les DANE (Délégation Académique au Numérique Éducatif), les collectivités (région pour les lycées, département pour les collèges, commune pour les écoles), les services SI du rectorat, le réseau Canopé, etc. Ces acteurs doivent travailler ensemble pour mettre en place des infrastructures et des équipements adaptés, accompagner les enseignants par de la formation.
Le numérique ne fait pas tout, mais…
Bref, heureusement que ce n’est pas l’outil numérique qui fait une bonne pédagogie. Mais c’est tout de même un peu triste d’être encore ralenti en 2019 par des problèmes techniques. Tant qu’on n’aura pas de bonnes infrastructures et de bons équipements, il sera illusoire de demander aux enseignants de développer des pratiques pédagogiques intéressantes avec les outils numériques.
Et c’est sans même parler des défauts de formation initiale et continue, des rapports hiérarchiques sur les questions d’innovation… Autant de problématiques pourtant répétées inlassablement depuis des années.
Voilà, je voulais être bref. Désolé.
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Vous pouvez aussi lire mon article La Edtech : une analyse du terrain.
* Forcément je caricature un peu
Image à la une de Martijn Baudoin sur Unsplash