La culture numérique, ce qu’elle revêt, les modalités de sa transmission, les enjeux qu’elle soulève, c’est sans doute LE sujet qui m’anime depuis le début de mon engagement professionnel.
Mais qu’est-ce que la culture numérique ? C’est à cette première question indispensable que je vais essayer de répondre avec un objectif de vulgarisation. Puissent les experts me pardonner mes raccourcis, simplifications et autres oublis !
Intéressé par des interventions sur le domaine de la culture numérique ?
Cet article s’inscrit dans la préparation d’un cours de Culture numérique, que je dispense depuis 2018 dans divers établissements d’enseignement supérieur. J’ai depuis décliné ces cours dans des formats de conférences et d’ateliers. N’hésitez pas à me contacter si intéressé⋅e⋅s.
Avant-propos : des histoires de définition
En tant que non-universitaire et non-chercheur, mais ayant participé à plusieurs conférences et tables rondes scientifiques, j’ai souvent été étonné de l’importance que pouvaient donner les participants à de simples définitions. Quitte à passer parfois plus de temps sur le désaccord qu’ils avaient sur la définition que sur le contenu du sujet.
C’est en me plongeant dans le monde du numérique et en entrant dans ses détails que j’ai compris que pour se parler et se comprendre, et a fortiori pour transmettre des connaissances, il fallait effectivement partager les mêmes définitions et les mêmes références. Comme les mots ont un sens, entretenir un flou sur les mots revient à flouter le sujet lui-même. Je maintiens cependant que certaines controverses sur les définitions sont abusives, particulièrement dans les conférences grand public.
Le terme numérique, particulièrement polysémique, est un objet de définition complexe. D’après le Larousse, est numérique ce « qui relève des nombres ; se fait avec des nombres ; est représenté par un nombre », mais aussi « qui est évalué en nombre, ou se traduit en nombre ». On parle donc de calcul numérique, de table numérique, d’analyse numérique, ou bien de supériorité numérique. Cela tourne autour des nombres, pour le moment rien à voir avec l’idée générale qu’on en a : l’électricité qui le fait fonctionner, les écrans, les câbles ou l’ordinateur. Et bien sûr rien à voir avec le monde numérique dans lequel nous vivons.
Numérique et informatique
Là où le numérique vient toucher l’informatique, c’est lorsque les outils informatiques commencent à faire circuler de l’information sous forme de nombres (et notamment des 0 et des 1 dans le langage binaire). Je vous propose à ce sujet une définition du site Futura Sciences :
Les progrès des technologies de l’information et de la communication reposent pour l’essentiel sur une innovation technique fondamentale : la numérisation. Dans les systèmes traditionnels – dits analogiques – les signaux (radio, télévisions, etc.) sont véhiculés sous la forme d’ondes électriques continues. Avec la numérisation , ces signaux sont codés comme des suites de nombres, eux-mêmes souvent représentés en système binaire par des groupes de 0 et de 1. Le signal se compose alors d’un ensemble discontinu de nombres : il est devenu un fichier de nature informatique.

Si la numérisation a été si importante, c’est qu’elle a permis de nombreuses avancées pratiques sur le transfert de données informatiques, et notamment pour la compression des données (pensez par exemple au MP3 pour la musique, mais aussi au MP4 pour la vidéo !).
Sans trop entrer dans la technique, on comprend bien que le numérique qualifie donc tous les systèmes et dispositifs qui représentent leurs données sous forme de nombres. Ce qui est le cas de la plupart de nos objets stockant et véhiculant l’information de nos jours ! Les appareils photo, les smartphones, les unités centrales, les écrans d’ordinateur, les télévisions modernes, mais aussi le réseau internet, les câbles, les routeurs, tous sont des outils et systèmes numériques. C’est pour ça que pour un expert, il est très difficile de parler « du numérique », de dire « le numérique ». Quel numérique ?
Numérique ou digital ?
Nous venons de voir d’où venait le terme numérique. Il se trouve que les Anglais (repris par de plus en plus de Français, surtout dans les communauté des startups et des entreprises innovantes) utilisent le terme « digital ». Que veut-il dire ?
« Digital » vient du mot « digitus » et concerne donc ce qui se fait avec les doigts. C’est parce que les premiers calculs se faisaient avec les doigts qu’est apparu dans la langue anglais le mot « digit » (chiffre), suivi par le mot « digital » (qui utilise des nombres).
Comme on le voit, ni numérique ni digital n’ont gardé leur sens initial. Aujourd’hui encore, ce sont des termes qui évoquent des choses assez différentes, et les experts détestent qu’on les confonde. Force est de reconnaître que les usages ont tendance à les rendre de plus en plus synonymes.
Que représente le numérique aujourd’hui ?
Après la démocratisation des ordinateurs puis d’internet, le numérique a fini par dépasser les sphères scientifiques et techniques d’où il venait pour devenir un « fait social total1 au sens du concept proposé par Marcel Mauss parce que ces technologies transforment l’ensemble de la société et de toutes ses institutions » (Jean-François Cerisier, Professeur de sciences de l’information et de la communication)
Je pense pour ma part que la culture numérique se comprend dans un prisme interdisciplinaire où se retrouvent notamment l’histoire, l’économie, les comportements sociaux, la politique et la géopolitique. Mais on pourrait rajouter les techniques, l’éthique, la philosophie, les humanités, etc. Comme le disent beaucoup des experts qui s’y intéressent, le numérique est un nouveau paradigme.

Numérique et histoire
Pour comprendre le numérique, il faut comprendre le contexte dans lequel sont nés l’informatique, les télécommunications, le réseau Internet et le web, entre autres, il faut se pencher sérieusement sur l’histoire.
Il faut revenir sur les progrès techniques qui se sont accélérés dès la fin du 19ème, repartir au cœur des guerres du 20ème (notamment la 2ème guerre mondiale et la guerre froide). Il faut comprendre qu’à l’origine le seul objectif concret de l’informatique était de calculer, et de décrypter. Calculer les cibles des tirs d’artillerie, calculer des prévisions météorologiques (principalement pour les objectifs militaires initialement), réaliser des simulations physiques (simulation d’explosion d’arme atomique par exemple), etc.

Il faut se souvenir qu’à l’origine, le réseau Internet est né d’un impératif militaire simple, à savoir disposer d’un réseau de commandement distribué qui résisterait à une attaque nucléaire, précisément parce que chaque ordinateur du réseau serait autonome, et permettrait ainsi de répliquer. C’est dans ce contexte que l’agence de recherche de l’armée américaine a financé des chercheurs et des ingénieurs pour concevoir ce réseau, qui deviendra ARPANET en 1969. Ce réseau est ensuite devenu un univers de chercheurs et d’informaticiens passionnés, désintéressés, qui prônaient un Internet ouvert et distribué (vs centralisé ou décentralisé), un code partagé, un accès universel à la connaissance. Avant de devenir le réseau que nous connaissons aujourd’hui et qui a bien changé.
J’ai trouvé passionnant cet exercice de projection mentale, mais il n’était pas évident. Alors imaginez ce qu’il peut représenter pour un jeune qui entre aujourd’hui à l’université, qui a 18 ans, et qui n’a jamais vécu sans le web (1991), sans Google (1998), sans 3G ou Facebook (2004), sans smartphone (l’iPhone est introduit en 2007) ?
Ce qui est également clé, dans cette histoire du numérique, c’est qu’à partir d’outils qui étaient avant tout des inventions technologiques (le calculateur, puis l’ordinateur), qui disposaient d’une discipline, l’informatique, le numérique a fini par muter et devenir un phénomène culturel et social. Voici comme Catherine Becchetti-Bizot, inspectrice générale de l’Éducation nationale, définissait le numérique dans un rapport de 2017 :
« Le numérique n’est pas seulement une révolution technologique. Comme le furent, en leur temps l’invention de l’écriture et celle de l’imprimerie, il est aussi un phénomène culturel et social qui imprègne les actes les plus ordinaires de notre vie et nos représentations du monde : notre perception de l’espace et du temps, notre relation aux autres, nos façons de penser, d’imaginer et de créer, nos modes de travail et d’accès au savoir, ainsi que nos manières de produire et de diffuser les connaissances. »
Numérique et économie
Lorsqu’il s’est démocratisé et qu’il a quitté les universités prestigieuses et les plus grandes entreprises à la fin des années 90, le numérique a rapidement transformé l’économie existante en la « numérisant (la presse, le commerce, etc.). En parallèle, il a créé une nouvelle économie : l’économie du numérique, dont on peut citer notamment les grandes plateformes du web, les déjà bien connus et incontournables. GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Mais également beaucoup d’autres entreprises qui gravitent autour du numérique et d’Internet : les compagnies d’hébergeurs de contenu (1and1, OVH), les éditeurs de logiciels (Salesforce, SAP, Oracle), les fabricants de téléphones et d’ordinateurs (Samsung, Huawei, Xiaomi), et bien d’autres.
Aujourd’hui, on ne peut plus parler du numérique sans parler des enjeux économiques et de l’importance prépondérante qu’ont pris ces entreprises dans ce qu’est devenu Internet, le développement des algorithmes à l’ère du big data, de l’intelligence artificielle.
Par ailleurs le numérique, par l’automatisation et la robotisation notamment, bouscule et remet en question de nombreux emplois, à un rythme accéléré, et pose donc des questions sur le futur même du travail : quels seront les emplois de demain ? Comment s’y préparer ? À quoi ressemblera l’économie de demain ? Tout n’est pas encore écrit et c’est précisément à nous de reprendre le contrôle de nos destins sur ces sujets.

Numérique et social
Le numérique bouleverse et transforme tous nos comportements sociaux, tous nos usages, toutes nos façons de faire. Pour autant, les études sociologiques2 montrent qu’il est rarement une cause de rupture mais plutôt un facteur d’amplification.
Le numérique est rarement une cause de rupture des codes sociaux mais plutôt un facteur d’amplification.
C’est une donnée de compréhension importante quand on voit aujourd’hui la proportion que prennent certains débats sur le numérique. Citons l’influence des « écrans » sur les enfants, le fléau du cyberharcèlement, l’addiction aux jeux vidéos, la fracture numérique, et j’en passe. Pour aborder ces enjeux sociaux, à nouveau, il est nécessaire d’être doté d’une bonne culture du numérique.
Quoiqu’il en soit, le numérique a bouleversé notre façon de nous renseigner, acquérir des connaissances, socialiser, militer, consommer, travailler. Comme le dit Dominique Boullier dans sa Sociologie du numérique :
« Il devient difficile de ne pas refaire toute la sociologie de tous les domaines, car le numérique a ceci de particulier qu’il est “pervasif”, c’est-à-dire qu’il pénètre toutes nos activités, des plus intimes aux plus collectives. »
Numérique et politique/géopolitique
Dès ses débuts, l’informatique, les télécommunications, la construction d’Internet ont fait l’objet de multiples choix politiques, et déjà certaines luttes. Le choix de la construction d’un réseau distribué, d’un code ouvert, des infrastructures réseaux3, tous étaient des choix politiques.
Lorsqu’Internet s’est démocratisé et que des géants économiques ont émergé, il s’est créé petit à petit une « subpolitique » selon les termes de Dominique Boullier (voir la bibliographie). Cette subpolitique décide des orientations que prend le web sans contrôle démocratique, puisque nos représentants élus sont exclus des réflexions et des prises de décisions. Les enjeux posés par le numérique sont aujourd’hui tellement complexes qu’ils posent même la question de la compétence de nos élus.

Enfin, le numérique est devenu un incroyable enjeu géopolitique. On pense immédiatement aux conflits d’influences, voire aux tentatives de manipulations qui se déroulent sur les réseaux sociaux. Le Brexit ou l’élection américaine en 2016 en sont des exemples récents. Le numérique est aussi un enjeu militaire et de renseignement : cyberattaques se multiplient contre les États et certaines infrastructures sensibles. De leur côté, les agences de renseignements sont elles aussi très actives, comme l’a révélé entre autres Edward Snowden. Le numérique est enfin devenu un enjeu de puissance. Il suffit de voir la course que se font certains États sur l’intelligence artificielle par exemple, mais aussi la confrontation qui se met en place entre les GAFAM américains d’un côté, et les BATX4 asiatiques de l’autre. Avec l’Europe qui compte les points au milieu (ou qui ramasse les balles, à vous de voir).
Conclusion
Vous l’aurez compris, cet article introductif n’était qu’une manière d’illustrer l’aspect profondément protéiforme du numérique. D’autres l’ont dit avant moi, mais je soutiens comme eux que le numérique est un nouveau paradigme.
Se doter d’une culture numérique, c’est commencer par comprendre cet aspect et élargir sa vision. On ne peut plus aborder le numérique uniquement sous un angle technique sans parler d’enjeux éthiques. Ou alors parler d’enjeux géopolitiques si l’on n’a pas cerné les enjeux sociotechniques.
Comme pour toute vulgarisation, il faudra nécessairement faire des choix de simplification qui déplairont aux experts. Mais d’autant que certains sujets sont tout de même très techniques, cela me parait être indispensable.
Je conclurai en disant que préparer ces cours renforce encore ma conviction que tout citoyen devrait recevoir ce type d’enseignement :
Une bonne culture numérique, sous-ensemble de la culture générale, est un impératif absolu pour pouvoir exercer son statut de citoyen dans une société qui de fait, est aujourd’hui numérique.
Intéressé(e) par mes cours de culture numérique ?
Ils sont disponibles en creative commons sur cette page dédiée.
Intéressé(e) par une conférence sur la culture numérique ?
J’ai adapté mes cours au format conférence (exemple de la SNCF). Si cela vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter.
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Ma série d’article culture numérique
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- Culture numérique : les photos et les traces
- La culture numérique : qu’est-ce que c’est ?
Pour aller plus loin sur le sujet
- La page où je liste des ressources liées à la culture numérique
- Ma page de cours de culture numérique, donnés à l’ILERI
- L’excellent blog de Michel Guillou, et notamment l’article Le numérique expliqué à Suzanne et à quelques autres…
- Introduction à la culture numérique de Hervé le Crosnier à l’université de Caen : Partie 1 / Partie 2
- Série Youtube « Sociologie du numérique » de Dominique Boullier
Bibliographie
Cette liste est en perpétuelle évolution, si vous avez des suggestions de lecture, n’hésitez pas à me les proposer en commentaire !
- Anne Cordier. Grandir connectés. C&F éditions, 2015
- Antonio A. Casilli. En attendant les robots. Seuil, 2019
- Antonio A. Casilli. Les Liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? Seuil, 2010
- Aurélie Dudézert. La transformation digitale des entreprises. La Découverte, 2018
- Cathy O’Neill. Algorithmes, la bombe à retardement. Les Arènes, 2016
- Dominique Boullier. Le problème n’est pas le numérique en lui-même mais le capitalisme financier numérique. Entretiens
- Dominique Boullier. Sociologie du numérique. Armand Collin, 2016
- Dominique Cardon. La démocratie Internet. Éditions du Seuil et de la République des Idées, 2010
- Dominique Cardon et Antonio A. Casilli. Qu’est-ce que le digital Labor ? INA Éditions, 2015
- Dominique Cardon. Culture numérique. Presses de Science Po, 2019
- Emmanuel Lazard et Pierre Mounier-Kuhn. Histoire illustrée de l’informatique. EDP sciences, 2016
- Éric Maigret. Sociologie de la communication et des médias. 3e édition. Armand Colin, 2015
- François Taddéi. Apprendre au XXIe siècle. Calmann-Levy, 2018
- Gérôme Guibert, Franck Rebillard, Fabrice Rochelandet. Médias, culture et numérique – Approches socioéconomiques. Armand Colin, 2016
- Jean-Samuel Beuscart, Eric Dagiral et Sylvain Parasie. Sociologie d’internet. Armand Collin, 2016
- Laure Claire Reillier et Benoit Reillier. Platform Strategy. Dunod, 2018
- Laurent Alexandre. La guerre des intelligences. JC Lattès, 2017
- Milad Douehi et Frédéric Louzeau. Du matérialisme numérique. Hermann Éditeurs, 2017
- Milad Douehi. Pour un humanisme numérique. Seuil, 2011
- Milad Doueihi. La grande conversion numérique. Points, 2008
- Nicolas Colin, Henri Verdier. L’âge de la multitude – 2e éd. – Entreprendre et gouverner après la révolution numérique. Armand Colin, 2015
- Olivier Ertzscheid. L’appétit des géants. C&F éditions, 2017
- Pierre Mercklé. Sociologie des réseaux sociaux. La Découverte, 2016
- Revue d’économie industrielle. L’économie numérique en question. Deboeck Supérieur, 2017
- Stéphane Bortzmeyer. Cyberstructure. C&F éditions, 2018
- Tristan Nitot. surveillance://. C&F éditions, 2016
- Yuval Noah Harari. 21 Leçons pour le XXIème siècle. Albin Michel, 2018
- Yuval Noah Harari. Homo Deus. Albin Michel, 2017
Photo de Giu Vicente sur Unsplash
ℹ️ Note de service : je suis en recherche active de missions. N’hésitez pas à me proposer des projets, en lien avec mon offre de prestations. Merci !
⚠️ Je vous propose un cycle de trois webinaires, suivi de plusieurs débats, pour échanger autour de la « chose » numérique, et reprendre le triptyque qui constitue le sens de mon engagement : comprendre le numérique, pour pouvoir le critiquer et le transformer. Plus d’informations par ici
Notes de bas de page
- Le fait social total est un outil méthodologique et un concept de sciences humaines, notamment en anthropologie et en sociologie, forgé par Marcel Mauss. Cet outil a pour principe de laisser l’objet d’étude se dévoiler lui-même, c’est-à-dire que c’est l’individu qui donne un sens à sa pratique, et non le chercheur. (Source : Wikipedia)
- Notamment documentées dans l’excellent ouvrage « Sociologie du Numérique » de Dominique Boullier.
- Un réseau asymétrique avec l’ADSL par exemple, qui privilégiait le débit descendant (téléchargement) au débit montant (Upload). Provoquant de fait une philosophie de la consommation du web, plutôt qu’une philosophie de la création et du partage.
- Les BATX sont les quatre grandes entreprises asiatiques du numérique : Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi.