Un marketing social et utile, c’est possible ?

J’évolue dans un milieu (associatif, éducatif, service public) où le terme marketing est très mal vu. Au départ, j’étais tout honteux de faire du marketing. Bouh, le vilain mot !

J’avais d’ailleurs gardé un souvenir très mitigé d’un de mes stages de webmarketing. Ma mission consistait à optimiser des campagnes Facebook pour inciter des jeunes à découvrir de nouveaux MMORPG (jeux de rôle massivement multijoueur).

Ce stage n’a pas été dénué d’intérêt, ne serait-ce que parce qu’il s’est déroulé dans une startup berlinoise en pleine croissance. Mais je ne m’y retrouvais pas à plein de niveaux, et surtout, je n’y voyais pas de sens. Pas d’impact. Pas de gain, ni pour la cible de mes campagnes, ni pour moi.

Lorsque je suis arrivé, par le hasard de mon stage de fin d’étude chez Madmagz, dans le monde de l’éducation, j’ai découvert un écosystème qui avait énormément de sens, et une place où je me sentais enfin utile. Mais est-ce que j’étais marketeur, commercial, chef de projet, chargé de partenariats ? Je ne saurais le dire, puisque j’étais un peu de tout ça. Chez Tralalere, mon poste était guère différent. Je me suis donc réconcilié avec mes “compétences”, car je trouvais qu’elles servaient un intérêt utile.

Lorsque j’ai décidé, en mars 2018, de me mettre à mon compte, il a fallu que je me positionne, et que je définisse mes champs d’intervention. Il semblait évident que parmi mes expertises, le marketing se trouvait en bonne position. Je me suis donc penché sur la façon dont je voyais la discipline et dont je pouvais la redéfinir.

On trouve cette définition sur le site de Merkator, l’une des grandes bibles du marketing :

Stratégie d’adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement des publics dont elles dépendent, par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents. Dans le secteur marchand, le rôle du marketing est de créer de la valeur économique pour l’entreprise en créant de la valeur perçue par les clients.

Je trouve cette définition incomplète. Et compte tenue de la manière très rapide avec laquelle les consommateurs deviennent des acteurs engagés de leur consommation, je la trouve déjà obsolète. Je me souviens de ces cours qui actaient déjà la transformation profonde du marketing à l’ère de la connaissance absolue des consommateurs. Pouvoir comparer des offres en temps réel, demander des avis à une masse d’inconnus, changer facilement de prestataire, cette révolution s’est déroulée si vite qu’elle n’a pas encore été bien intégrée par tous les professionnels.

Une autre définition, trouvée sur le site Marketing Stratégique et qui curieusement, cite elle-même Mercator comme source, me satisfait déjà plus.

Le marketing est l’ensemble des méthodes et des moyens dont dispose une organisation pour promouvoir, dans les publics auxquels elle s’intéresse, des comportements favorables à la réalisation de ses propres objectifs

Ce qui me plait déjà plus, dans cette définition, c’est qu’il n’y a pas de terme qui suppose qu’on est dans un secteur marchand. Car c’est là que je me réconcilie avec le marketing.

Le marketing pour moi, ce n’est plus le fait de vendre à tout prix. Apprendre de son consommateur avec une étude de marché. Influencer sa décision par de la publicité. Ce marketing là est en déclin, à mesure que le consommateur s’éduque, se renseigne, compare, augmente son niveau d’exigence.

En revanche, le nouveau marketing est un ensemble d’outil qui va nous permettre d’appréhender et de relier plusieurs éléments essentiels pour toute organisation :

  • Quel est la proposition de l’organisation ?
  • Quelles sont les cibles de cette proposition ?
  • Comment faire se rencontrer les deux ?

Prenons en exemple une ONG internationale comme Amnesty International. Amnesty a une proposition complexe qui peut toutefois se résumer ainsi :

  • Enquêter sur le terrain afin d’obtenir des informations sur les sujets défendus par Amnesty
  • Créer des forces de lobbying capable d’influencer des gouvernements ou des organisations
  • Informer le grand public des causes défendues par l’ONG

On peut voir dans ces objectifs qu’Amnesty s’adresse à des cibles bien différentes :

  • Le grand public, qu’on peut sous-diviser en deux parties
    • Les donateurs
    • Les non-donateurs
  • Les gouvernements et autres grosses organisations
  • Les médias
  • Les partenaires

Pour que la proposition d’Amnesty entre en résonance avec ses différentes cibles, l’ONG pourra utiliser de nombreux leviers :

  • Des actions de communication :
    • Des vidéos (pour le grand public)
    • Des prospectus
  • Des partenariats stratégiques
  • Des actions de recrutement de donateurs (vous savez, ces personnes courageuses qui vous attendent à la sortie des métros).
  • Des actions directes de contact auprès de décideurs politiques

Bien sûr, ceci n’est qu’une représentation simplifiée que je propose ici pour expliquer ce qu’est le marketing, mais il est possible et probable que les équipes d’Amnesty ne voient pas les choses ainsi. D’abord parce que le marketing stratégique est un parti pris, dans le sens où une équipe décide d’orientations. Ensuite parce que le marketing est évolutif, il s’adapte constamment. Pour aider à prendre ces décisions et ces orientations, le marketing donne un certain nombre d’outils.

  • les sondages et questionnaires
  • les études
  • les avis d’experts

L’exemple d’Amnesty, une ONG à but non lucratif et non marchand avait pour objectif de montrer que le marketing n’est pas qu’une question de vente et de consommateurs. Le marketing est l’ensemble des outils et des méthodes qui permettent de créer l’adéquation entre la proposition de valeur d’une organisation et les cibles visées par cette organisation.

Laissez-moi maintenant revenir à l’introduction de mon article. J’y indiquais que le marketing était mal vu dans les sphères associatives, publiques, éducatives. C’est souvent car ce sont des sphères non-marchandes. J’ai souvent entendu dans la bouche de salariés d’associations ou de fonctionnaires du service public qu’ils « n’étaient pas là pour vendre quoi que ce soit ». Soit. Ils n’avaient effectivement rien à vendre, mais ils avaient tout de même une proposition à faire à quelqu’un, sinon ils n’existeraient pas. Toute organisation créée artificiellement par l’homme partage cette caractéristique. Qu’elle soit une entreprise à but lucratif, une association, ou un service public n’y change rien.

C’est lorsque j’ai compris à quel point c’était vrai que je me suis réconcilié avec le marketing. Ce qui était pour moi une discipline dépourvue de sens a repris ses lettres de noblesse. Et toute son utilité.

Car s’il faut évidemment des personnes capables d’assurer les services que propose une organisation, il faut aussi des personnes qui s’assurent que ces services sont ceux attendus par la cible de la-dite organisation, que ces services sont clairs, qu’ils sont bien assurés, qu’ils sont correctement véhiculés, et qu’ils sont remis en question constamment.

Ces personnes, pour moi, ce sont les marketeurs.

Et le monde non-marchand (les services publics, les associations, les non-profits) ne devrait pas s’en priver, car il en a cruellement besoin.

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